Les gardiens contribuent à la lutte contre les changements climatiques
Le crabe dormeur et les palourdes sont généralement une source d’aliments sûrs. Nous avons vécu sur la côte, en harmonie avec ces ressources naturelles, pendant des millénaires. Mais au cours des dernières années, nous avons été témoins du déclin rapide des populations de crabe dormeurs. La surpêche a une part de responsabilités, tout comme les changements climatiques. En raison de phénomènes comme la hausse des températures des océans, provoquée par les masses d'eau chaude, et l’acidification de l'eau due à l’augmentation du carbone dans les océans, on observe chez le crabe dormeur un amincissement de sa carapace, des retards de croissance et des décès prématurés.
Les gardiens Heiltsuk surveillent ces changements. Ils peuvent aussi puiser dans les connaissances sur le crabe dormeur qu’ont accumulées les gardiens du savoir au fil des générations. La Nation Heiltsuk s'appuie sur la recherche pour déterminer la quantité de crabes pouvant être prélevés au large des côtes et pour désigner les zones à protéger afin de permettre le rétablissement des populations de crabe.
On observe des enjeux semblables à l'échelle du pays. Les gardiens autochtones sont les yeux et les oreilles de leurs nations sur les terres et les eaux, où ils participent à la luttent contre les changements climatiques. Ils surveillent tout changement relatif à la date d'arrivée oiseaux migrateurs, aux endroits où se nourrissent les caribous l’hiver, à la date de fonte des rivières au printemps, au taux de survie des populations de saumons, aux répercussions des sécheresses sur le Thuya géant et ils cherchent à comprendre pourquoi les incendies de forêt s’intensifient.
En tant que peuples autochtones ancrés dans le territoire, nous avons une responsabilité sacrée de veiller sur les terres, les eaux et les ressources. Pour réaliser de notre vision de la durabilité, nous devons nous appuyer à la fois sur le savoir local et traditionnel, les lois ancestrales et sur le meilleur de ce que la science occidentale peut offrir.
Grâce au savoir local et traditionnel, nous en apprenons davantage sur des systèmes et processus naturels qui n’ont pas changé depuis des générations. Les changements climatiques perturbent ces systèmes et induisent des variations désordonnées dans les accumulations de neige, la chimie des océans et le rythme des saisons.
La science moderne nous enseigne l’importance d’établir des valeurs de référence. Elle dispose de 20 à 50 ans de données sur les territoires nordiques. Le savoir autochtone local remonte pour sa part à des milliers d’années. Pour faire face à la crise climatique, il est essentiel de combiner ces deux systèmes de connaissances.
Les programmes des gardiens illustrent concrètement la force de cette alliance. Les gardiens ont recours à l'expertise locale et aux outils de la science occidentale pour mesurer la température et la salinité de l'eau, recueillir des données sur le pergélisol et d’autres encore.
Dans de nombreuses régions, les gardiens sont les seuls sur le terrain à surveiller les effets des changements climatiques. Les gouvernements n'ont tout simplement pas les ressources financières nécessaires pour installer des stations de surveillance en région éloignée ou à la grandeur du Nord. Mais les gardiens se trouvent déjà dans ces régions éloignées, où ils veillent sur les territoires traditionnels. Il est financièrement responsable de travailler en partenariat avec les nations autochtones pour lutter contre les changements climatiques.
Le savoir des gardiens est essentiel à l'élaboration de politiques et à la prise de décisions en matière de changements climatiques – qu'il s'agisse de fixer des limites à la récolte de crabes dormeurs ou de freiner le développement industriel sur des terres riches en carbone. De nombreuses nations autochtones, par exemple, ont proposé de créer des aires protégées et de conservation autochtones dans la forêt boréale. Ensemble, elles permettraient de capter plus de 20 milliards de tonnes de carbone, soit l'équivalent de près de 100 ans d'émissions annuelles de GES du secteur industriel.
Le travail des gardiens ne profite pas seulement aux communautés autochtones, mais à l’humanité tout entière. Les gardiens tirent parti d’une relation millénaire avec le territoire afin de protéger les ressources dont nous dépendons tous – du crabe au caribou, des eaux propres aux puits de carbone – et de veiller à leur pérennité. La crise climatique prend de l’ampleur. Il est temps pour le Canada de soutenir le travail des gardiens. L’octroi d’un financement à long terme aux programmes des gardiens permettra au Canada de respecter ses engagements en matière de conservation et de lutte contre les changements climatiques et de tracer la voie à suivre dans ce monde en pleine mutation.