Les gardiens autochtones : pour la terre, les gens et l’économie
À travers le pays, une soixantaine de programmes des gardiens autochtones permettent de veiller sur des territoires traditionnels. Ces gardiens rétablissent les populations de la faune, analysent la qualité de l’eau et surveillent les projets d’exploitation des ressources. En accomplissant ce travail, ils honorent leurs traditions culturelles et assurent la formation de la prochaine génération de leaders.
Ces programmes ont fait leurs preuves : ils entraînent des retombées sociales, économiques et environnementales positives.
Mais nous pouvons faire beaucoup plus.
Seul un soutien à long terme des programmes des gardiens autochtones permettra de réaliser leur plein potentiel. Ils joueront alors un rôle clé dans le renouvellement de la relation de nation à nation et favoriseront des changements en profondeur dans les communautés qui s’appuieront sur une fierté culturelle renouvelée, une nouvelle forme d’expertise et l’expression d’un sentiment d’appartenance à la nation.
Le moment est venu d'investir dans la conservation menée par les Autochtones. Les changements climatiques et la perte de biodiversité menacent les communautés du monde entier. Mais la recherche le confirme : les terres gérées par les peuples autochtones sont plus saines et plus démontrent une plus grande vitalité.
Le rôle des gardiens
Les gardiens sont les « mocassins et les mukluks » ou les « yeux et les oreilles » des communautés sur le terrain. Ils aident à rétablir les populations d’animaux et de plantes, à analyser la qualité de l’eau et à surveiller les projets d’exploitation des ressources. Plusieurs programmes des gardiens autochtones aident à la gestion des aires protégées et de conservation autochtones – des endroits où l’on retrouve des caribous, des saumons, de l’eau pure et de gigantesques puits de carbone. Les gardiens s’occupent aussi de l’accueil des visiteurs et de la gestion des sites culturels.
Les gardiens, dont le travail est guidé par la science autochtone et occidentale, reçoivent une formation avancée en matière de collecte des données et d’analyse de la qualité de l’eau. Ils apprennent aussi des aînés le comportement des caribous, les changements dans la formation de la glace, la nidification des oiseaux chanteurs ainsi que l’importance des valeurs culturelles dans le lien avec le territoire.
Renforcer les communautés
Les programmes des gardiens transforment la vie des gens et les communautés. Les jeunes grandissent en sachant qu’ils peuvent décrocher un emploi ancré dans leurs traditions culturelles. Les femmes et les hommes acquièrent des compétences professionnelles et subviennent aux besoins de leur famille grâce à de bons salaires. Jeunes et moins jeunes en sont témoins: rétablir le lien avec la culture, guérir les traumatismes et ressentir une fierté envers notre identité – tous ces éléments sont ancrés dans notre lien avec la terre.
Les programmes des gardiens sont particulièrement efficaces pour inspirer la jeunesse autochtone. Ils offrent des opportunités locales et peuvent donner un sens à leur vie. Les jeunes apprennent des aînés et de la science occidentale, ce qui les prépare à devenir non seulement les gardiens d'aujourd'hui, mais aussi les enseignants, les avocats, les scientifiques et les législateurs de demain.
Des effets positifs éprouvés
Des chercheurs ont démontré les retombées positives concrètes des programmes des gardiens autochtones sur le plan social. En Australie, dans 118 communautés rurales, des rangers autochtones assurent la gestion des terres et des espèces en péril. Plusieurs études rapportent que les rangers ont une vie active, reçoivent un bon salaire et que leur contribution améliore la santé publique et le bien-être de ces communautés. Le constat est clair : ces retombées positives contribuent à faire diminuer la toxicomanie, la violence familiale et les taux d’incarcération.
En 2017, une équipe de chercheurs a utilisé les mêmes méthodes afin d’évaluer si deux programmes des gardiens autochtones dans les Territoires-du-Nord-Ouest produisaient des retombées positives semblables.
Le soutien continu et prévisible de l’intendance autochtone favorise également les investissements privés et la croissance économique. En Australie, grâce à un financement de base, 40 % des programmes des rangers autochtones disposent du personnel et des équipements nécessaires pour réaliser des contrats commerciaux, par exemple dans les domaines de la gestion de la faune ou de la compensation des gaz à effet de serre.
Le rendement des investissements
Les retombées économiques et sociales de ces programmes sont payantes pour les contribuables. Le gouvernement australien a investi 840 millions de dollars canadiens dans les programmes des rangers autochtones au cours des 15 dernières années. Une étude commandée pour le ministère du premier ministre et du Cabinet démontre que chaque dollar investi dans les programmes de rangers autochtones et dans les aires protégées autochtones génèrent jusqu’à 3 $ sous forme d’avantages sociaux, économiques et culturels, ce qui comprend la diminution du soutien au revenu, l’amélioration de la santé et la baisse des coûts de services policiers et d’incarcération.
Au Canada, l’analyse de deux programmes des gardiens autochtones, celui des Dénés Lutsël K’e NiHat'ni et celui des K'ehodi du Dehcho, a démontré qu’ils génèrent 2,50 $ en valeur sociale, culturelle, économique et environnementale pour chaque dollar investi. Avec un financement suffisant et à long terme, cette valeur pourrait atteindre 3,70 $ pour chaque dollar investi.
Une intendance mondialement reconnue
Le Rapport d'évaluation mondiale sur la biodiversité et les services écosystémiques 2019 des Nations Unies conclut que plus d'un million d'espèces végétales et animales sont menacées d'extinction. Néanmoins, le rapport révèle un point positif : les terres et les eaux gérées par les peuples autochtones sont généralement plus saines que celles des autres régions. Ces territoires traditionnels abritent les animaux, les plantes, l'air pur et les eaux douces qui disparaissent à un rythme alarmant ailleurs sur la planète.
Une étude de l'Université de Colombie-Britannique publiée en 2019 donne des résultats semblables. Les chercheurs ont examiné les données sur les terres et les espèces du Canada, de l'Australie et du Brésil et ont constaté que le nombre d'oiseaux, de mammifères, d'amphibiens et de reptiles était le plus élevé sur les terres gérées par les communautés autochtones. Les parcs et les réserves d’espèces sauvages arrivent en deuxième position. Les scientifiques ont déterminé que les pratiques autochtones de gestion des terres – comme celles mises de l’avant par les gardiens autochtones – permettent de maintenir un nombre élevé d'espèces.
Communiquer avec l’industrie
Si les gardiens autochtones sont présents sur le territoire, ils participent aussi à des réunions avec les dirigeants. Ils jouent ainsi un rôle crucial dans le renforcement des communications entre les dirigeants des Premières Nations, les membres des communautés et les représentants des compagnies minières. Ils disposent des compétences nécessaires pour établir des relations de confiance et conclure des ententes énonçant les conditions et modalités applicables aux projets d’exploitation des ressources.
Au Labrador, les responsables de la mine de la baie Voisey’s – la plus importante mine de nickel au monde – travaillent en étroite collaboration avec les gardiens Minashkuat Kanatukuatak de la nation innue. Le fait d’inclure dans l’entente sur les répercussions et les avantages la présence de contrôleurs autochtones sur le site de la mine a favorisé l’appui de la communauté au projet durant la phase des négociations. Ces gardiens ont maintenant pleinement accès à la mine en qualité de tiers observateurs indépendants. Ils font part de leurs conclusions à la communauté et transmettent les commentaires de la communauté aux responsables de la mine. À l’instar de leurs collègues des autres programmes des gardiens autochtones à travers le pays, ils confirment qu’il est avantageux pour les Premières Nations et pour l’industrie d’établir des voies de communication claires